dimanche 29 avril 2018

L'île Bourbon et les vins de Cilaos


 En route pour La Réunion ! (un article publié avec un léger retard, on reconnaît ...)

Le métro avec vélos et bagages ? Fastoche !


La Réunion, du 16 novembre au 13 décembre

La Réunion a été découverte en 1528 par les Portugais puis occupée par les français à partir de 1638 où elle fut baptisée île Bourbon. 

Cilaos, les 5 et 6 décembre

La viticulture réunionnaise :
Les routes maritimes anciennes ont apporté aux Açores, en Afrique du Sud, puis à La Réunion du blé et de la vigne notamment. Chacun avait son pied de vigne sur treilles en bambou devant sa case en bord de mer. Ce n'est qu'en 1960 que le phénomène s'étend dans les cirques, en altitude. L'Isabelle et le Couderc 13 sont les premiers cépages importés dans les années 1900. (D'origine américaine pour le premier, et française pour le second). Ce sont des hybrides, ils n'ont pas besoin d'être greffés et s'adaptent bien au pédoclimat local. Les vins traditionnels issus de ces cépages ont été suspectés de rendre fou à cause de taux de méthanol trop élevés contenus dans les raisins.
A la fin des années 80, des parcelles sont défrichées dans le cirque de Cilaos afin de planter de la vigne palissée avec des cépages nobles (non hybrides mais nécessitant un porte-greffe).



La coopérative viticole de Cilaos date d'il y a une 20aine d'année. Nous sommes allés rencontrer Gianney Payet et Laurent Gonthier, employés au chai de Cilaos.
Après une vidéo d'une 10aine de minutes expliquant l'histoire du vin et du chai à Cilaos ainsi que les étapes de la viticulture, nous avons dégusté la gamme et échangé sur les particularités du métier ici.



A La Réunion, et à Cilaos précisément, les contraintes sont nombreuses. Tout d'abord, le climat est tropical et marqué par une période cyclonique de novembre à mars. Les vendanges ont lieu pendant cette saison, entre fin décembre et début janvier le plus souvent. Heureusement pour les vignerons, la période des cyclones a tendance à se concentrer vers février-mars depuis quelques années.
Nous remarquons que les vignes palissées sont équipées de grands filets qui sont indispensables pour protéger les raisins des oiseaux et des drosophiles. 
Lors des vendanges, il faut passer plusieurs fois car il existe de grandes différences de maturité. A chaque passage, on ne ramasse que ce qui est mûr, et on trie ce qui est mauvais bien sûr.


Différence de maturité déjà observable en décembre

Autre particularité, le sol volcanique très minéral et riche en manganèse. Pour que les pieds de vigne soient capables de se développer vigoureusement et durablement sur ces sols, il faut choisir le porte greffe le plus adapté. Il semblerait que le choix n'ait pas été le bon sur certaines parcelles qui montrent de sérieuses faiblesses, seulemetn 20 ans après plantation. Ainsi, la motivation des viticulteurs est en baisse et le vignoble est passé de 15ha à 9ha.
En revanche, l'équipe du chai de Cilaos est plus motivée que jamais : "Nous faisons des expérimentations afin de trouver des cépages plus précoces et un porte-greffe mieux adapté à nos sols". Ils espèrent ainsi attirer de nouveaux adhérents et augmenter la surface de production.
Sur les 9 ha actuellement en production, on retrouve :
3 cépages blancs : Chenin, Verdélho (Madère, Portugal) et Gros Manseng
3 cépages rouges : Pinot noir, Sirah et Malbec

Une fois le raisin récolté, d'autres contraintes existent, liées au fait que la viticulture n'est pas courante sur l'île : Les plants, les bouteilles et les capsules sont importées de métropole et les échantillons sont envoyés au laboratoire d'analyses ... de Bordeaux !
Ces courageux viticulteurs doivent donc savoir anticiper et disposer d'une bonne trésorerie. Immanquablement, le coup de production se répercute sur le prix des bouteilles qui valent en moyenne 10€ / btle de 50cL. (Ce qui n'est finalement pas très cher comparé au vin traditionnel de Cilaos non habillé et non taxé qui est vendu en moyenne 6€ / btle de 75cL.)
Difficile de se positionner sur le marché du vin sur l'île qui importe des vins de métropole moins chers. Et la perte de surfaces de production ne facilite pas le commerce et les économies d'échelle.

Dégustation des vins du chai de Cilaos :
- Blanc sec : 60 % chenin et 40 % verdelho + copeaux de chêne. Acidulé, arômes d'agrumes et très boisé. 
- Rosé demi-sec : 40 % pinot noir, 60 % malbec et un peu de syrah. A la dernière vendange, le chai à vinifié tous les rouges en rosé, très fruité avec une rondeur agréable. Il n'y a plus de rouge en stock. 
- Blanc demi-sec : chenin, verdelho, gros manseng et du couderc 13, le cépage "local".
- Blanc moelleux "cuvée de Noël" : les mêmes cépages et mêmes parcelles, mais le vin est issu des derniers raisins récoltés. 


Les viticulteurs de Cilaos sont amenés à utiliser des copeaux de bois pour apporter du corps et une note boisée à leurs vins car l'importation de fûts est inabordable financièrement. 
 

Bref aperçu des vins traditionnels chez Elie Gonthier :

Les vins de Cilaos sont réputés sur l'île, que ce soit en bien ou en mal selon les dégustateurs. Ce sont des vins artisanaux qu'on trouve "au bord de la route" ou dans les petites épiceries du Cirque. Le flux de visiteurs représente un potentiel de vente important pour cette spécialité non déclarée aux douanes.

 



Nous nous rendons à Ilet à Cordes où un de ces viticulteurs fabrique ce breuvage. 
Nous avions eu un premier aperçu du vin de Cilaos, la veille au soir, dans un snack. Le "vin blanc", servi dans un verre jetable en plastique, devait bien contenir du jus de ce raisin local, le couderc 13. Mais il contenait certainement au moins autant de sucre, et sûrement un peu d'alcool pur également. Le résultat était efficace en termes d'ébriété, mais sans réel intérêt gustatif.
Nous voici donc pris en stop (pas de bus ce matin là) par un cultivateur de lentilles de Cilaos (autre spécialité locale). Arrivés à Ilet à Cordes, le panorama est superbe, la lumière déjà écrasante. Les treilles de vignes sont nombreuses, entrecoupées de champs de légumes divers. Nous suivons les flèches qui mènent droit au caveau de Elie Gonthier. 







Celui-ci nous reçoit en bon commerçant. Nous dégustons en écoutant avec peine ses explications en demi-créole. Les verres sont soutirés directement de la barrique, en siphonnant à la bouche.  Voici ce que nous avons compris : les raisins sont écrasés et mis en cuve avec une bonne dose de sucre. D'après Elie, ce sucre est nécessaire au démarrage de la fermentation ! Au bout de 8 jours de fermentation, le jus est soutiré directement vers les barriques où il est stocké tel quel jusqu'à mise en bouteille selon la demande. Là encore, c'est beaucoup trop sucré à notre goût. Mais le goût du raisin est un peu meilleur que dans le vin de la veille. 






Les cépages sont couderc 13 et muscat pour le blanc ; isabelle pour le rouge.

Les treilles d'Elie couvrent 2600 mètres carrés soit 0,26 ha. Les treilles, irriguées, produisent 3000 à 4000 litres de jus chaque année. Soit des rendements avoisinant les 150 hectolitres/ha ! (Soit 3 fois plus que le rendement maximal autorisé en AOP Bergerac par exemple.)

Elie Gonthier et sa carte de visite du WWOW Tour !


Rencontre de Fabrice Hoareau avec les élèves du lycée agricole au Domaine du Petit Vignoble :








Fabrice expérimente la vigne et le vin à Cilaos depuis 13 ans. Il recherche les cépages et la taille la plus adaptée et vise la production de grands vins. 
Il essaie notamment d'utiliser le Couderc comme porte-greffe.
Il s'est tourné vers la viticulture bio sans certification depuis 7 ans.
Il paille ses vignes afin de limiter les pertes en eau, il travaille légèrement le sol 1 fois par an pour y implanter des lentilles qu'il est le seul à produire en Bio. Grâce à cette légumineuse, il ne met plus d'engrais depuis 10 ans.


Son exploitation représente 4 ha répartis en 2 zones : 0.5ha est situé à Bras Sec à côté de son domicile et de son chai; 3.5 ha sont situés à Palmiste rouge. 


Fabrice croit en l'avenir de la viticulture à Cilaos : "Les vignes ne représentent qu'1% des terres dans le cirque de Cilaos mais 400 000 touristes chaque année demandent du vin."

Pourtant ce n'est pas une mince affaire, nous avons pris conscience des contraintes économiques et climatiques grâce aux employés de la cave coopérative. Fabrice ajoute que le coût de plantation d'1 hectare de vigne ici s'élève à 54000€ ... C'est 4 fois plus qu'en métropole !

Les cépages implantés dans le vignoble de Fabrice sont :
Le couderc 13
L'Isabelle
Le Gewurstraminer
L'Auxerrois

Les vendanges nécessitent ici aussi plusieurs passages à cause de la différence de maturité des raisins. Ils sont ensuite éraflés et foulés mais non pressés. Selon Fabrice, le pressurage entraîne une amertume et une astringence non souhaitées. Les résidus seront ensuite épandus dans les vignes.
La fermentation et l'élevage d'1 an ont lieu en minicuves inox avec ajout de copeaux de chêne américain ou français.


Nous avons dégusté presque toute la gamme de vins de Fabrice. Là aussi, il fait des expériences et il innove !
- Blanc sec 2017 - 100% couderc 
- Blanc demi sec "Hors la loi" - 50% couderc, 50% isabelle
- Rosé demi sec - 
Fruité, saveurs de fruit rouge
- Blanc moëlleux "Cuvée Saint Valentin" - Couderc avec macération de pétales de rose et litchi
- Blanc demi-sec "Méthode Chablis" - Elevage sur lies fines + copeaux chêne français 

Nous ne l'avons pas goûté mais Fabrice a vinifié du jus d'ananas ! "Chaque année à La Réunion, 60t d'ananas sont gaspillés, il y a un potentiel énorme" "Lorsqu'on boit du vin d'ananas, on a vraiment l'impression de croquer dans un ananas"

La production de vin réunionnais se limite au cirque de Cilaos où celle-ci est loin d'être majoritaire.
Nous nous sommes donc aussi largement intéressés aux autres productions locales.

Vanille - Visite de la coopérative de Bras Panon : 


La fleur de vanille doit être fécondée à la main car il n'y a pas de pollinisateur naturel à La Réunion !
Une fois fécondée, la fleur donne un fruit qui sera mûr 9 mois après la pollinisation. Les gousses vertes sont ramassées à maturité.

De nombreuses étapes sont nécessaires pour obtenir une gousse de vanille parfumée et qui se conserve : Echaudage (les gousses sont plongée 3 minutes dans de l'eau à 65°C), Etuvage (les gousses sont recouvertes d'une couverture pendant une nuit), Séchage en plein soleil (1 semaine), Tri à la main en 4 catégories, Séchage par catégorie, Maturation (10 mois en coffres), Calibrage. Ici, le séchage par catégorie.



Café :
 
Le café Bourbon pointu


Géranium Rosat :



Plantes endémiques pour tisanes :


Fruits et légumes :

Maraîchage


Litchis

Papayers
Ananas



Thé :
 



La canne à sucre, le sucre et le rhum:

Récolte de la canne à sucre


Vieillissement en fûts


Le vetiver :


Plant de Vetiver : ce sont les racines qui sont odorantes, les feuilles ne sentent absolument rien

 

Et bien d'autres ressources encore mais dont les productions sont infimes !


Fleurs de giroflier

La ressource principale reste les paysages !

Nous avons parcouru la Réunion en long, en large et en travers en multipliant les moyens de transport. Reportage en images ci-dessous :


- Le piton de la fournaise :
Arrivée à la plaine des sables
Pour arriver jusqu'au cratère, c'est un peu l'autoroute de randonneurs (et d'hélico dans le ciel) ...

 
Mais ça vaut le coup ! Voici le cratère majestueux et légèrement fumant.


Oh, un cep de vigne ! On fait vraiment du vin partout maintenant ...
 
La rando à 1,5 mois de grossesse, c'est pas un problème ... Mais faut respecter la sieste !


- Au labyrinthe en champs thé, un parcours dans une "forêt" de thé !

















- Grand bassin, une cascade et un village dans un petit coin de paradis qui se mérite (600 mètres de dénivelé !)








- La côte Est à vélo, et la traversée des coulées de lave dans le "grand brûlé" :


Ancienne coulée de lave devenue rond point ...

Coulées de lave se jetant dans la mer


Les différentes coulées de lave dans le grand brûlé
Panne sèche pour Blandine dans une montée très raide. Qu'à cela ne tienne, elle fait du stop !
- Et bien d'autres escapades et cascades :


Sur la plage de trou d'eau à La Saline les bains

Filaos sur la plage de l'Ermitage les bains

Des orchidées par milliers

Bassin la paix

Trois bassins
 - Le meilleur pour la fin, randonnée autour des trois cirques, de Cilaos au Piton des neiges :

Vue sur Cilaos


Trois roches. très très impressionnant ...
Le pique nique, le meilleur moment de la journée !

A La Nouvelle, vue sur le cirque de Mafate

Les Gouzous font partie du paysage de la Réunion, il y en a partout !

Fougères arborescentes
Ces bambous sont énooooooooooormes !
 

Oui, on se charrie des ananas et des viennoiseries ! Mais après on se fait des p'tits déj de rêve :-)

Dans la forêt de Bélouve

Toujours dans la forêt de Bélouve

Montée au Piton des neiges au lever du jour

Au piton des neiges. Fait pas bien chaud ...

Maigre aperçu de la vue depuis le Piton des neiges


Et voilà ! Depuis ce voyage, bien des choses ont changé. Nous sommes installés à Monbazillac au Domaine du Petit Paris. N'hésitez pas à passer nous voir ou, à défaut, à nous suivre sur notre page Facebook "Domaine du Petit Paris".

Sur ce blog, nous continuerons à publier nos découvertes oenologiques.

A bientôt !