jeudi 31 août 2017

La Tourraine : Montlouis/Loire, Chinon, Bourgueil, Cravant les Coteaux

Du 4 au 8 aout 2017 : La Loire au fil du vin


Vendredi 4 août, 47 km
Après Chaumont, la véloroute s'éloigne souvent du fleuve ligérien pour grimper dans les coteaux. Si cela chauffe un peu les cuisses, ça nous permet d'observer les vignes, perchées sur les plateaux. 



Les vignes sont établies très bas dans le vignoble de Montlouis/Loire ; les vendangeurs doivent avoir mal au dos !

 Nous arrivons ainsi à Montlouis sur Loire, où exerce un vigneron réputé, François Chidaine. Sa femme a ouvert "La Cave Insolite" sur les quais, où hormis ses vins, sont vendus pas mal de vins de producteurs bio ou biodynamistes. Faute de pouvoir rencontrer le viticulteur, l'employée du magasin nous relaie fidèlement la vision du vigneron à travers la dégustation de sa gamme.
Des clients commencent à affluer, et ils ont l'air de connaître. On sent bien que ces vins cartonnent !
L'approche de Chidaine est particulière : pas de mention de la certification bio ni biodynamique sur les étiquettes des bouteilles. Pourtant, il fait partie du label Biodyvin.
« Il fait ça par philosophie et ne veut pas en faire un argument commercial » nous explique l'employée. N'empêche que pour le consommateur qui ne connaît pas personnellement le vigneron, il faut faire confiance...

Les appellations Vouvray et Montlouis sur Loire sont deux voisines, rivales disposées chacune sur une rive de la Loire. Elles produisent, à base de Chenin, des vins blancs de toutes sortes allant du sec au liquoreux en passant par les vins effervescents. Leurs vins sont très proches, pourtant, le Vouvray jouirait d'une plus grande notoriété.


A la Cave Insolite, nous dégustons un « Vouvray » pétillant en méthode traditionnelle mais qui a l'appellation Montlouis/Loire car le siège d'exploitation n'est pas situé à Vouvray. 
Idem pour les secs dont les vignes sont à Vouvray mais qui sont commercialisés en Vin de France. On comprend que le vigneron soit fâché avec tout ce qui est certification/appellation. Nous goûtons aussi des Montlouis « tendres » c'est-à-dire des demi-secs. Ce sont des vins que l'on nous conseille de boire sur des plats épicés ou des sushis, et en effet nous avons tout de suite eu l'eau à la bouche à l'évocation de ce type d'accord ! Nous ne goûtons pas au Montlouis liquoreux, plus rare et plus cher. 


A Joué-les-Tours, nous rejoignons nos amis Florent et Léna chez les parents de celle-ci. Grand amateur de vin, Pascal Emile a tout prévu : Vouvray liquoreux 1989 - année de naissance de sa fille - pour l'apéritif, puis 2 Chinon pour le repas. De notre côté, nous avions aussi prévu des vins de François Chidaine. Manque de chance, le Vouvray 89 est bouchonné : Surtout au nez, presque pas en bouche mais quel dommage ! Nous apprécions à la place un chenin blanc sec (Les Argiles 2015) de François Chidaine absolument somptueux. Les Chinon le sont également et nous confortent dans notre envie de partir dans cette direction dès le lendemain matin !


Samedi 5 août, 66 km, Joué-les-Tours - Chinon


Au départ, à Joué-les-Tours

Nous poursuivons la véloroute avec Léna et Florent. On s'écarte moins du fleuve, le parcours est agréable et en bonne compagnie. 


Au loin, le Château de la Belle au Bois Dormant (Chateau d'Ussé)

D'autant plus que les parents de Léna nous ont déposé les sacs à l'arrivée ; quel plaisir de pédaler léger ! Pour couronner le tout, Flo et Léna nous ont donné le contact d'un vigneron à Savigny-en-Véron chez qui nous allons dans l'après-midi. 
Le domaine de Wilfried Rousse est dans l'appellation Chinon. On entre ici dans le territoire du cépage Cabernet Franc, aussi appelé "breton" par Rabelais. C'est le cépage unique pour les rouges de cette appellation. Les blancs, issus du Chenin, ne représentent que 3 % de la production de Chinon.

Wilfried n'est pas issu du milieu viticole. Il s'est installé sur le domaine il y a 30 ans, et le cultive en bio depuis 10 ans. Il est encore locataire sur une partie de ses parcelles. 
- "Dans la vigne il faut être courageux, nous dit-il, mais au chai il faut être fainéant !"
Il attache notamment beaucoup d'importance aux travaux de taille (majoritairement en guyot simple) et d'ébourgeonnage de mai à juin, pendant lequel il fait enlever les entre-nœuds pour bien aérer les ceps. 
Il vinifie en levures indigènes, et troquerait volontiers ses cuves inox contre des cuves en béton de petit volume. 


Dans la salle de dégustation chez M. Wilfried Rousse.Sur une ardoise est inscrit : "le Chinon rend les femmes heureuses lorsque les hommes l'ont bu" !

La dégustation des Chinon rouges de Wilfried est un régal. Une cuvée Les Galuches 2016 fruitée et typique du cabernet franc fait place à Les Puys 2015, arrondie par une année de fût. Nous goûtons aussi un 2011 très bien conservé, issu de vieilles vignes sur tuf calcaire. Nous finissons par une originalité que le vigneron fait pour le plaisir avec des amis : le Vin cent soif. Un vin très peu sulfité vinifié dans les conditions du début du siècle dernier. Vendangé et égrappé à la main, pigé à la masse en barrique, ce vin "nature" constitue une microcuvée intéressante. 
 Merci à Wilfried Rousse pour ce moment privilégié et pour la bonne bouteille offerte à notre départ. A bientôt on espère. 


Vignes à Savigny-en-Véron

Arrivés à Chinon, nous établissons notre QG pour 3 jours au camping sur les bords de la Vienne, faisant face à la citadelle médiévale. 



Dimanche 6 août, repos : 0 km à vélo mais 14 km en canoë sur la Vienne


Pause pic nic sur une plage de la Vienne, toujours avec Flo et Léna. 
L'occasion de déguster un Chinon Clos de la Roche 2011 de Wilfried Rousse




Lundi 7 août, 49 km, Total : 830 km, Bourgueil
Nous faisons l'aller/retour de Chinon à Bourgueil où nous rencontrons les exploitants de deux domaines. 

D'abord le domaine des frères Bertrand et Vincent MARCHESSEAU. Ce dernier nous reçoit pour un excellent briefing sur le marketing. Il nous explique comment leur domaine cherche à se démarquer dans un fort contexte concurrentiel. (L'appellation Bourgueil compte 300 viticulteurs environ pour 1200 ha).


 Avec son slogan "Un bourgueil peut en cacher un autre", il exprime que même si les bourgueil appartiennent tous à une appellation commune, ils peuvent être bien différents les uns des autres. Notamment au sein du domaine, ils ont créé des cuvées par terroirs différenciés avec des codes pour faciliter la compréhension au client. 
- Cuvée Poids Plume pour un vin léger, sur le fruit issus de sols sableux à graviers. 
- Cuvée Funambule pour une cuvée à l'équilibre entre le fruité et la matière, sur des argiles à graviers. 
- Et enfin, la cuvée Roc Collection sur des sols calcaires avec un élevage en cave troglodytique comme cela se fait beaucoup dans le val de Loire. 
Le tout illustré par des étiquettes décalées qui changent fondamentalement du style plutôt classique des bourgueil traditionnels.


"Il faut s'apercevoir de la chance qu'on a quand ça marche bien" assure Vincent, "mais il faut conserver des stocks pour les coups durs". L'année 2016 illustre bien ce propos. Le gel et le printemps pourri ont réduit la récolte à peau de chagrin : 90 % de pertes soit 10 hL/ha en moyenne, rapporté à la surface totale. Avec les parcelles rescapées sur les 3 appellations du domaine (St Nicolas de Bourgueil, Bourgueil et Chinon), les Marchesseau n'ont produit qu'une seule cuvée appelée "Du Chaos nait une étoile". Cette pirouette représente un risque au niveau commercial car la continuité des cuvées n'est plus assurée. "Mais on ne fait pas toujours ce que l'on veut" dit Vincent. Il compte rebondir et en profiter pour remanier à nouveau la gamme en 2017, qui ne compte "que" 30 % de pertes dues au gel...

Nous filons ensuite au domaine Yannick et Benoit AMIRAULT.

 
Benoit constitue la 4ème génération sur l'exploitation de 20 ha de vigne environ. Son père Yannick avait repris la ferme de son grand-père en polyculture et ne cultivait au départ que 3-4 ha de vignes. Ici aussi, la rigueur du travail à la vigne est primordiale, pour viser un raisin de bonne maturité, et vendangé exclusivement à la main. 
Les sols sont travaillés en intercep, et entre les rangs selon la nature des parcelles. Ci-dessous, une parcelle au sol assez sableux, impeccablement désherbée mécaniquement sur le rang.
"Il ne faut pas travailler le sol trop tard dans la saison pour éviter un relargage d'azote" nous explique Yannick Amirault.



Comme à Chinon, l'unique cépage des appellations Bourgueil et St Nicolas de Bourgueil est le cabernet franc. Les vins sont longuement macérés et fermentés en cuve inox puis élevés en foudres ou demi-muids. 
Le domaine produit des vins charnus mais ronds. Pour ne pas avoir des vins trop corsés et tanniques, ils n'assemblent jamais leurs jus de presse à leurs assemblages mis en bouteille.  

Sur une même appellation, un domaine se démarque par une gamme originale avec des étiquettes décalées, et l'autre par sa rigueur et sa régularité dans la continuité de la tradition. Il y a de la place pour tout le monde ! Après ces visites instructives, nous rentrons à Chinon en repassant devant la triste centrale nucléaire bordant la Loire et ses vignobles...


A part cha, Chinon, tout va bien !


Mardi 8 août, 24 km, Cravant les Coteaux
Toujours sans les sacs, on pédale en direction de Cravant les Coteaux. Vu le nom, on s'attend à des montées escarpées, mais au final, le village est adossé au bas du coteau. Nous rencontrons Bernard BAUDRY dans son domaine de 32 ha, dont 10 ha en propriété. Installé en 1975 sur 1,75 ha, il a toujours travaillé en bio, mais n'a opté que récemment pour la certification sous la pression de ses clients cavistes et restaurateurs.




Bernard attache de l'importance à la taille et à l'attache des lattes sans jamais coiffer le pied. Après cela, il est pour le moins d'intervention possible, excepté pour le travail du sol, qu'il préconise en plein. 
Cet ancien conseiller viticole a une approche "pas de". Pas d'ébourgeonnage, pas d'effeuillage à la vigne.
A la vinification, pas de pigeage, pas de remontage, pas de soufre, pas d'analyse !
L'éraflage est total après des vendanges entièrement manuelles. La fermentation se fait le plus possible "baies entières". Après une macération longue de 15 jours - 3 semaines, la fermentation se finit en barriques de 450L, bien souvent l'été suivant.

 Dans le chai de Bernard. Love.

L'élevage en barriques se fait dans une cave troglodytique creusée à même le coteau calcaire. 




 Il ne fait pas non plus de houillage, car sa cave étant très humide et ses barriques anciennes, la part des anges est très limitée.
Il explique que c'est le travail du sol sur le long terme qui permet d'obtenir des raisins plus robustes et aptes à subir une vinification si peu interventionniste. "Il faut 15 ans pour passer en bio, et non pas 3 !"

Nous dégustons d'excellents chinon chez Bernard Baudry, qui fait bien sûr des cuvées parcellaires, selon que ses vignes soient dans la plaine, à mi-pente, ou sur le plateau. Nous terminons avec un Chinon 2000 de sa production, tout à fait divin, avec des arômes de confiture de fruits rouges mûrs. 
Le viticulteur conclut cette rencontre motivante : "L'important c'est de faire un vin qui plaît, à partager, digeste, qui permet de passer un bon moment"...
Sur ces mots simples, à nous de jouer !

Les vignes de Bernard Baudry

Nous regagnons Chinon pour notre dernière soirée sédentaire. Demain, nous reprenons la route, direction Saumur !

Vue des toits de Chinon
 

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